Ce séjour improvisé à Vegas est un véritable succès. Les étudiants, que ce soient mes soeurs tri-pi ou nos cousins iota, tous semblent ravis du voyage. Il faut dire que la destination est on ne peut plus parfaite pour notre escapade. Et Dieu merci, l'organisation n'a pas été très difficile. J'ai même réussi à tout faire de mon côté sans avoir besoin de parler à Cael. Même si évidemment, depuis notre départ de UCLA, nous avons bien été obligés de nous croiser. La conversation est toutefois toujours restée limitée aux banalités d'usage et aux questions relatives à la logistique du weekend. Alors que notre deuxième soirée est déjà bien entamée et que je tiens à peine sur mes jambes après quelques jeux à boire organisés dans nos suites, le destin va pourtant changer la donne. Le destin... ou bien quelques uns de nos amis communs, Edward en tête. Ils semblent s'être mis en tête de nous réunir, car sans que je ne comprenne vraiment comment, je me retrouve seule avec Cael dans une suite désertée par tous les autres étudiants. Malgré les effets de l'alcool, je ressens tout de même l'embarras de la situation. Dois-je simplement partir ? Sans dire un mot ? Nous n'avons pas eu l'occasion de discuter depuis notre mise au point juste avant le Spring Break et je ne suis pas sûre d'être prête à parler de notre pause. Rien que ce mot me donne envie de vomir. Littéralement. A moins que ce ne soit l'effet de l'alcool ? D'ailleurs je ne trouve rien d'autre à dire que « Tu veux un verre ? » tout en me servant moi-même un grand verre de vodka Red Bull que j'attaque à grandes gorgées. Un peu de courage supplémentaire ne fera pas de mal. Durant tout ce temps, je garde les yeux résolument baissés vers le sol, n'importe où ailleurs que sur lui. Clairement, je ne peux pas le regarder en face. Je sens que je serais capable de craquer, surtout avec l'alcool dans mon sang qui exacerbe toutes mes émotions. Ne pas le regarder, ne pas parler. Pas dit que ce soit la meilleure des stratégies.

J'avais plus ou moins essayer de moins boire. Non, ce n'est pas juste mon excuse pour avoir seulement bu 5 shots la veille, c'est surtout parce que sans Indiana, je devenais fou et alcoolique. La preuve avec Eden. Et aussi le spring break. L'alcool m'a surtout fait plus de mal que de bien c'est temps-ci, mais je n'arrive pas vraiment à m'en passer. Et franchement, c'est compréhensible. Comment je suis censé me remettre du fait que j'ai perdu la femme de ma vie sinon hein ? Je suis juste censé passer à autre chose, sans séquelle ? Non, je suis détruis à l'intérieur, il faut bien que je l'exprime d'une manière ou d'une autre. Enfin, pendant ce voyage, j'étais peut-être un peu moins malheureux. Au moins, je pouvais être à proximité d'Indiana. Ces quelques heures à ces côtés étaient plus que l'on avait eut ce dernier mois, et j'en avais besoin. Vraiment besoin. Mais je ne voulais pas être lourd non plus, alors je restais proche sans l'être. Je voulais garder un oeil sur elle, être clean. Alors je la regardais de loin, je lui souriais parfois, ou j'évitais son regard. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de la regarder. De l'admirer. Elle était d'une telle beauté, c'était dure de passer outre aussi. Alors non, sachant tout ça, je n'étais pas horrifié à l'idée de me retrouver seul avec elle dans cette chambre. J'étais juste horrifié à l'idée qu'elle puisse me fuir, me tourner le dos. J'avais quand même assez d'alcool dans le sang pour m'en foutre totalement de notre situation et de la vouloir près de moi. Je ferais n'importe quoi pour qu'elle reste près de moi. « Bien sûr. » Je titube légèrement jusqu'à elle et la regarde me servir un vers, ne la quittant pas des yeux. Je la regarde amoureusement, peut-être trop amoureusement, je l'admire. Admire sa beauté, ce que j'ai perdu, par ma connerie et j'attends. Je voudrais que ce moment dur toute nos vies, qu'on soit dans cette chambre pour toujours. Je voudrais pouvoir le toucher. Fuck it. Je veux la toucher. J'attrape délicatement sa main et la caresse. Ouais, je sais, je ne devrais pas. Mais je le fais quand même. « Tu es vraiment très belle tu sais ? » Y'as un vieux dicton qui dit que ne se font compte de se que l'on a qu'une fois qu'on l'a perdu. Bah c'est vrai. Putain c'est vrai, et là, je n'avais que des regrets.

J’ai consacré tellement d’énergie ces dernières semaines à éviter Cael que je n’ai pas songé un seul instant à ce qui arriverait au moment où nous serions réunis à nouveau. Pour le meilleur et pour le pire. Me voilà déstabilisée, surprise par la tournure des événements. Je pourrais m’enfuir, mais il pourrait très bien me retenir. Ai-je envie qu’il me retienne, ou au contraire qu’il me laisse partir ? Je n’ai toujours pas réussi à trancher. En attendant je m’efforce de donner le change et lui demande s’il veut un verre, à défaut de trouver autre chose à dire. « Bien sûr. » Il se rapproche et je sens son regard peser sur moi. Je n’ose pas lever le mien, me concentrant pour ne pas trembler alors que j’ajoute la vodka à son verre. Tous mes sens sont en alerte, à l’affut du moindre geste, du moindre souffle de sa part. Ils m’avertissent alors qu’il s’apprête à franchir la barrière, le mur qui s’est progressivement dressé entre nous. Sa main audacieuse s’empare de la mienne pour lui prodiguer une douce caresse. Un contact qui me fait frissonner, comme au premier jour. Ce constat me confirme que je n’ai pas réussi à le pousser d’un millimètre hors de mon cœur, malgré tous les efforts que j’ai fournis pour tenter d’y arriver. Pire, le ténor de sa voix trouve un écho en ma poitrine alors qu’il me complimente outrageusement. « Tu es vraiment très belle tu sais ? » Clairement mal à l’aise, je murmure un « Merci. » de politesse, les yeux toujours fixés vers les bouteilles d’alcool plutôt que sur lui. J’ai besoin de rompre la tension, de reprendre mes distances pour recouvrir mes esprits, au moins quelques instants. Je m’écarte alors légèrement et lui tend le verre que je lui ai préparé. Puis, levant mon propre verre, j’annonce sans réfléchir : « A nos 1 an que nous n’avons pas fêté. » Ou comment renforcer encore davantage le malaise ambiant. Nous trinquons et j’avale tout le mélange en trois longues gorgées. Nous aurions dû fêter notre première année en tant que couple juste après le Spring Break. Nous en avions parlé quelques temps auparavant, imaginant la soirée parfaite pour lui comme pour moi. Mais ça c’était avant.