Ça fait mal. Vraiment. Ce n’est pas la première fois qu’un petit ami me trompe, j’ai déjà connu cette situation. Mais cette fois-ci c’est différent. Cette fois-ci, c’est Cael. J’pensais que ce serait différent. J’voulais que ce soit différent. Et il m’a fait croire que ça le serait. Une pulsion de haine pure me parcourt. Je pensais que je m’étais protégée contre ça. Je pensais avoir appris de mes expériences, pour ne plus refaire les mêmes erreurs. Je me suis bien plantée. Voilà ce qu’il me reste. Le goût amer de la trahison. La douleur dans ma poitrine. Les yeux desséchés d’avoir tant pleuré. Au final, c’est ma faute. J’ai toujours eu la poisse avec les garçons. La conne que je suis a toujours été obligée de choisir ceux qui allaient me décevoir, me blesser. Comme si un aimant invisible m’attirait vers les connards. Aujourd’hui je suis allée encore plus loin. Lui vient carrément de me démolir. J’ai encore du mal à réaliser. Pourtant la Terre continue de tourner. Je continue de respirer, de me nourrir, de parler. Et la je m’apprête à aller le voir, comme si de rien n’était. Surréaliste.

Le chemin entre ma chambre chez les Tri-Pi et la sienne chez les Iota est relativement court et on ne peut plus familier. Mais aujourd’hui j’ai l’impression de le découvrir pour la première fois. J’ai l’impression que tout a changé. Ce chemin était synonyme de bonheur, d’excitation. Parce que j’allais rejoindre Cael dans sa chambre pour quelques heures d’intimité amoureuse. Pourquoi ai-je désormais l’impression de prendre le chemin du bûcher ? Cela fait quatre jours que nous ne sommes pas parlés. Pas même un texto, si l’on excepte celui que je lui ai envoyé ce matin, laconique, pour lui confirmer que je venais bien. Je dois m’efforcer de me rappeler que nous ne sommes pas quittés en bons termes mardi. Une grosse engueulade. Pour de la merde en plus. J’avais oublié. J’avais oublié parce qu’entretemps mon univers s’est effondré. Cette dispute me semble futile désormais. Et pourtant, je dois faire semblant. Semblant d’être énervée, blessée à cause de cette dispute, alors que je suis bouillante de rage et véritablement meurtrie par son infidélité. Je n’ai jamais été une bonne actrice, le challenge s’avère difficile. Mais je peux le faire. Je vais le faire. Je ne lui dirai pas que je sais. Je jouerai le rôle de celle que j’étais il y a encore quelques jours. C’est tout. J’arrive devant sa porte. J’hésite entre frapper et faire demi-tour en hurlant. Je frappe, il ouvre presque aussitôt. Je plonge mes yeux dans les siens. Muette. Ma voix ne fonctionne plus, tout comme mon cœur.

Je passe une journée de merde. Et elle était loin d'être fini. Je crois même qu'elle vient de commencer. Je ne sais pas, je me suis réveillé super tard. Je n’ai pas le moral. J'ai plus le moral. Depuis la dispute avec Indiana, je crois. Ou plutôt ce qui c'était passé après. C'était une dispute stupide, pour une raison stupide, mais pour X raison je me suis pris la tête. Elle est restée sur sa position, je suis resté sur la mienne et on s'est quitté fâché. Je regrette. Je regrette la dispute. Je regrette d'être parti. Je regrette d'avoir dépassé mes limites. Je ne le fais jamais, jamais. Je connais mes limites, et aussi excitant que ça puisse être je ne les dépasse pas. Pourtant ce soir-là, je l'ai fait. Et j'ai fait la pire chose que je n’aurais jamais pu faire. Que je n’aurais jamais pu lui faire. J'avais merdé. Avec Indiana, et ça allait la tuer. Je ne voulais pas lui faire ça, nous faire ça. C'est arrivé qu'une fois après tout, et je ne savais pas ce que je faisais. Je ne pouvais pas lui dire. Elle ne me ferait plus jamais confiance. Elle ne me pardonnerait jamais... Je me sens tellement coupable. Je devrais lui dire. Lui demander pardon. Mais je prendrais le risque de la perdre. Je ne veux pas la perdre, je ne veux pas lui faire du mal... J'ai passé les derniers jours à tourner en rond. Sans l'appeler. Sans lui parler. Sans entendre sa voix. En me sentant comme de la merde. Je ne ressemblais à rien. Ma chambre était dans un bordel pas possible. Je n’étais pas en forme, puis elle m'a envoyé un message. Elle allait passer, comme prévu. Je n'en étais pas sûr, on avait eu une grande dispute et d'habitude je serais juste passé chez elle et on aurait oublié, mais je n'ai rien fait du tout. Ce n'était pas une situation dans laquelle j'ai l'habitude d'être, au contraire. Pour la première fois depuis trois jours, je rangeais ma chambre. Tout devait être clean quand elle arrivait, je devais me débarrasser de toute preuve de cette nuit. Les bouteilles. Les draps. Je vidais la poubelle. Je rangeais tout. Je ne savais pas encore ce que j'allais faire, je ne voulais pas que ma chambre parle pour moi. Alors que j'avais la poubelle dans les mains, que j'étais prêt à la sortir, j'entends qu'on frappe à la porte. J'ouvre la porte presque aussitôt, jette la poubelle dans un coin et regarde Indiana droit dans les yeux. Elle est belle. Tellement belle. Mon cœur en rate un battement. Je ne pouvais pas lui dire. Je ne pourrais pas la voir pleurer. Je ne pourrais pas la voir blesser. Je ne saurais pas comment le gérer. « Hey. Salut toi. » J'ai envie de l'embrasser. Elle m'a manqué, terriblement. Et j'ai besoin de la touché, mais j'hésite. J'hésite car je sais ce que j'ai fait, parce que j'en ai honte. Mais ce n'est qu'une demi-seconde. J'ai de la chance de l'avoir. Je veux en profiter. J'ai l'impression que je dois en profiter. « Tu es magnifique. » Je lui prends la main et l'azur vers moi, un sourire aux lèvres avant de capturer la sienne.

J'ai un espoir un peu fou. Que tout cela ne soit qu'un mauvais rêve. Qu'on me dise que je délire, que j'ai tout inventé. Que je suis folle. Ouais je crois même que je préfèrerais qu'on me traite de cinglée. De toute façon je suis véritablement en train de devenir folle. Quand je pense à lui, chaque seconde qui passe ressemble à un nouveau coup de poignard. Je ne pensais pas être masochiste et pourtant je ne peux m'empêcher de penser à lui. Tout le temps. Constamment. Il n'y a pas un moment où il quitte mon esprit. C'est ainsi depuis que j'ai appris la nouvelle. Mais l'espoir ressurgit. Peut-être que Pepper s'est plantée dans ce qu'elle a vu. Peut-être que ce n'était pas Cael. Peut-être qu'il n'était pas en train d'embrasser une autre fille. Peut-être qu'il l'a simplement raccompagnée chez elle. Je devrais lui accorder le bénéfice du doute tout de même. On ne sait jamais. Je suis une piètre petite amie en fait, qui n'a aucune confiance en son mec. Parano, psychotique, misérable. Si ça se trouve, il est innocent et c'est moi le monstre. Après tout Cael ne m'a jamais donné de raison de douter de lui. Pourquoi commencer maintenant ? Je veux y croire. De tout mon être. Il n'a pas pu me faire ça. Pourtant ça sonne faux. J'ai l'impression de me mentir à moi-même. Je le sens, je le sais au fond de moi. Comment si j'avais un détecteur de tromperies intégré, construit à partir de mes expériences passées. Non, je suis dingue. Faut que j'arrête. Que je me concentre. Faire comme si tout allait bien. Tout va bien. « Hey. Salut toi. » Mon Cael. Sa voix douce m'enveloppe tout entière. J'aurais pu me damner pour l'entendre me parler ainsi jusqu'à l'éternité. Je réalise que cette voix m'a manquée, malgré tout. Ses yeux me dévisagent avec une ferveur ardente. Il a l'air subjugué. Comme s'il me voyait pour la première fois. « Tu es magnifique. » Moi aussi je me perds dans son regard. La chaleur se répand dans tout mon corps. Mes sentiments m'assaillent. Je l'aime. A la folie. Un murmure s'échappe de ma gorge. « Merci. » Il s'empare de ma main pour m'attirer à lui. Un contact qui m'électrise instantanément et réveille tous mes sens. Il me sourit. Un sourire divin, irrésistible. Avant que je ne comprenne vraiment ce qu'il se passe, mes lèvres se retrouvent collées aux siennes, comme si une force invisible les avait guidées. La sensation est délicieusement familière. C'est là qu'est ma place. Avec lui. C'est une certitude. Alors j'en veux plus. J'insuffle une passion avide dans notre baiser. Je suis clairement en manque, en manque de mon Cael. Je ne sais combien de temps s'est écoulé quand j'en viens à interrompre nos retrouvailles pour reprendre mon souffle. « Désolée. » Je me recule de quelques centimètres pour mieux l'admirer. Je peux sentir mon coeur battre irrégulièrement. « Désolée pour mardi soir. » Notre dispute. Qui me semble désormais infiniment ridicule. Mais je ne peux rien dire d'autre. Je ne saurais pas quoi dire d'autre.

« Merci. » Je lui adresse un sourire, un sourire sincère. C’est vrai qu’elle est magnifique, la fille la plus magnifique que je connaisse, que j’ai jamais eu. Indiana est la femme la plus belle de Los Angeles, la plus adorable, excitante, elle est parfaite. Et j’ai réussi à merder. Avec elle, elle qui ne fait pas confiance aux gens facilement, elle pour qui j’ai dû me battre. Je ne l’ai pas eu facilement, au contraire. Et ça faisait bientôt un an qu’on était ensemble –en passant- un an, et j’étais toujours capable de merder à ce point. Mes sœurs ont raisons, j’étais immature et inconscient. Je mettais en danger la relation auquel je tenais le plus, et pourquoi ? Pour une dispute stupide ? « Désolée. » Désolé ? Pourquoi ? « Désolée pour mardi soir. » Une grimace déforme mon visage et je regarde le sol. J’ai honte, je devrais être celui qui s’excuse. Je relêve la tête, essayant de ne pas avoir l’air trop coupable. « Non, c’est à moi de m’excuser. J’aurais pas dû partir comme je l’ai fait. Laisser les choses comme ça »  Je n’aurais jamais dû le faire, jamais. Je la prends par la taille et la rapproche de moi. « On oublie cette soirée ok ? Passons à autre chose… S’il te plaît. » Je ne voulais pas qu’on se dispute, ou me rappeler de cette soirée. Je recule à l’intérieur de la chambre et ferme la porte derrière nous. « Je t’ai manqué ? Toi tu m’as manquée… » et c’était vrai.

Je suis bien trop expressive et émotive pour pouvoir jouer la comédie avec conviction. Ma voix, mes traits, mon regard, j'ai l'impression que tout me trahit. C'est comme si j'avais un énorme panneau clignotant au dessus de moi, avec une flèche indiquant que je suis en train de mentir. Et pourtant Cael ne semble pas le remarquer. Peut-être parce qu'il est lui-même en train de me mentir. Ou peut-être parce qu'il met mon trouble sur le compte de notre dernière dispute. Quoiqu'il en soit, il semble sincèrement heureux de me voir. Ça me réchauffe le coeur mine de rien. Et son sourire ravageur continue de perturber mon rythme cardiaque. Au moins, tout n'a pas changé entre nous. Je parviens à bredouiller quelques mots d'excuses bidons, vides de sens, faute de mieux en stock. Des paroles qui semblent le déstabiliser un peu. Son expression se modifie de manière très perceptible, et il rompt notre contact visuel pour fixer le sol de la chambre. Comme un enfant pris sur le fait, en train de faire une bêtise. Non. Je ne dois pas penser ainsi. Il faut que j'arrête de voir des signes là où il n'y en a pas. De me monter la tête pour rien. « Non, c’est à moi de m’excuser. J’aurais pas dû partir comme je l’ai fait. Laisser les choses comme ça » Et ses mains enserrent ma taille pour m'attirer à lui. Je me laisse faire, docile et silencieuse, tandis qu'il poursuit. « On oublie cette soirée ok ? Passons à autre chose… S’il te plaît. » Oublier cette soirée maudite. Oublier sa trahison et cette fille, qui s'est immiscée entre nous. Pepper n'a su me dire qui elle était, mais elle avait l'air d'être étudiante aussi. La salope. Repenser à elle n'était vraiment pas la bonne chose à faire et les conséquences ne se font pas attendre. Mon corps se raidit par réflexe et un voile assombrit mon regard. Non je ne peux pas passer à autre chose. Clairement pas. Mes poings se referment tout seuls, serrés, en signe de nervosité. Je sens tous mes muscles se contracter. Même ma voix se déforme, hachée par la tension. « Je vais avoir... besoin d'un peu de temps. » De beaucoup de temps même. A supposer que je parvienne à passer outre un jour. Il m'entraîne alors doucement dans la chambre et referme la porte. J'en ressens une certaine contrariété. Ai-je toujours envie de me retrouver avec lui dans notre petit cocon ? Le samedi après-midi a toujours été notre petit moment d'intimité dans cette chambre. Jayden et les autres colocataires de Cael s'arrangent à chaque fois pour sortir à ce moment-là. Mais je me demande si aujourd'hui je n'aurais pas préféré qu'au moins l'un d'eux reste. Ça m'aurait donné la force et la distraction nécessaires pour ne pas craquer. « Je t’ai manqué ? Toi tu m’as manquée… » Oui il m'a manqué. Mais pas le Cael que je pense avoir en face de moi. Celui qui m'a trahie. Je veux mon Cael. « Toi aussi. » C'est bien ce qu'on doit répondre quand quelqu'un nous pose cette question, non ? Je force l'étau de ses bras pour aller m'asseoir sur son lit, laissant mon sac près de la porte et retirant mes chaussures au passage. Je tente de lancer une discussion pour ne pas m'attarder sur le sujet des sentiments, malheureusement la première chose qui me vient spontanément en tête est la suivante. « Alors tu as fait quoi depuis mardi ? » Forcément, la question la plus appropriée du moment.

Elle ne méritait pas ça. Elle méritait tellement plus. Plus que moi, plus que nous. J'étais un mauvais petit-ami et je m'en rendais bien compte et elle à côté... Elle était parfaite. Je n'avais jamais vu une femme aussi parfaite qu'elle l'était, de toute ma vie. Ça a l'air putain de fragile dit comme ça, mais c'était vrai. Vous l'avez vu ? Je n'ai jamais partagé une relation aussi fusionnelle que celle que j'avais avec Indiana. C'était comme ma moitié, elle me complétait, elle me comprenait; elle me connaissait. Elle me connaissait. Putain. Et si elle remarquait que j'étais bizarre, étrange ? Et si elle l'avait vu sur mon visage que quelque chose clochait ? Dès son arrivé ? Elle me connaissait mieux que je la connaissais. Elle allait deviner. Forcément. Ou non. Elle aurait dit quelque chose. Non ? . « Je vais avoir... besoin d'un peu de temps. » On ne pouvait pas juste tout oublier, je sais, mais je voulais vraiment passer à autre chose Ça me hante. Je m'en veux. Et je lui en veux à elle, à Rey. Elle était là, elle m'a séduit, elle m'a eu. Purée. Si elle n'avait pas été là, rien de tout ceci ne serait arrivé. J'aurais été tranquille, sage. J'aurais eu une putain de cuite, mais j'aurais la conscience tranquille. Rey elle craint. Elle m'avait fait faire l'impossible, et je ne peux pas ne pas y repenser. J'y pense tous les jours. Son corps sur le mien. Ses lèvres sur les miennes. C'était inoubliable, et c'était la chose pour laquelle je m'en voulais le plus. C'était bon, j'en ai profité sans penser à Indiana. Je ne devrais pas penser ça, c'est mal. Je me donnerais des claques rien que pour en avoir profité. Ça aurait dû être horrible, pénible, insurmontable. Ça n'aurait pas dû arriver. « Je ne veux plus en parler Indi. Je comprends que tu es besoin de temps, mais… » Mon ton est ferme, décidé, catégorique. Ça ne me ressemblait pas, mais je ne voulais pas revenir là-dessus. Elle ne pouvait pas savoir ce que ça me faisait d'y penser. Elle ne le doit pas. « C'est du passé ok, alors laissons ça dans le passé. » Je remarque que mon visage c'était fermé, et je me dépêche de le détendre pour avoir l'air moins crispé, moins frustré et je la rapproche de moi. Une petite voix dans ma tête me disait que je devais en profité, d'elle, le plus possible. avant qu'il soit trop tard ? Peut-être. De quoi avais-je peur, je n'allais rien lui dire. Rey non plus. Personne d'autre n'était au courant. Je devais respirer, essayer au moins. Elle m’avait manqué. « Toi aussi. » Ca me rassure, un peu. Plus elle reste avec moi, plus je respire. « Alors tu as fait quoi depuis mardi ? » J’y repense, à cette semaine de fou passé sans elle. A stressé, culpabilisé, m’engueuler, moi-même et Rey. Oh, et le nettoyage. Je me sentais sale, ma chambre était sale. « J’ai surtout nettoyé cette porcherie. Et les cours, les routines. J’ai beaucoup pensé à toi. A nous. » Et c’était vrai, j’ai pensé à quel point je tenais à elle, à notre couple. Et que je ne devais plus jamais merder comme ça. « Je t’aime. Je ne te le dis pas assez souvent, mais je t’aime. » Je devrais le dire plus souvent.

Cela sonne vraiment nunuche dit comme ça, mais j'ai ou bien j'avais - je ne sais plus si je dois parler au présent ou au passé désormais - vraiment l'impression d'avoir trouvé l'homme de ma vie avec Cael. Nos débuts n'ont pas été évidents, j'ai fait preuve de beaucoup de méfiance à son égard. Conséquence de mes histoires précédentes, il m'a fallu plusieurs mois pour lui donner sa chance. Et il s'est battu pour avoir cette chance, je ne lui ai pas facilité la tâche, mais sa détermination et sa persévérance ont su l'emporter sur le reste.  Et là, j'ai juste le sentiment qu'il vient de tout foutre en l'air. Dans quelques semaines, nous fêterons notre première année en tant que couple. Un an de bonheur, de perfection. Un an avec ma moitié. Mais peut-être que nous ne fêterons pas cet anniversaire en fin de compte. Je ne sais plus ce que je veux, ce que je dois croire, et surtout, ce que je dois faire. Cael me demande d'oublier cette soirée. Certes notre dispute, il y a bien longtemps que je l'ai enterrée. Mais le reste ? Je ne sais pas si j'en suis capable. Quand bien même je le voudrais, je ne suis pas sûre d'y arriver. « Je ne veux plus en parler Indi. Je comprends que tu es besoin de temps, mais… » La fermeté avec laquelle il insiste, la dureté dans sa voix, tout cela me surprend. Cela ne lui ressemble pas de parler ainsi, lui qui est toujours si doux avec moi, qui ne me force jamais à rien. « C'est du passé ok, alors laissons ça dans le passé. » Son visage est crispé et je ne peux m'empêcher d'y voir un signe de culpabilité. Est-ce que je deviens paranoïaque ? Aussi incroyable que cela puisse paraître, je l'espère de tout mon coeur. Je ne veux pas le perdre, non, parce que Cael et moi, nous sommes faits l'un pour l'autre. Toute autre possibilité est exclue, inenvisageable, insensée. Je n'ai jamais douté de notre amour, depuis ce fameux jour où j'ai décidé de le laisser entrer dans ma vie. Étant incapable de lui faire cette promesse qu'il attend de moi, je choisis de demeurer silencieuse. Puis alors que je m'installe sur son lit, ce lit si familier, ce lit où j'ai probablement passé les meilleurs moments de ma vie, je lui demande ce qu'il a fait pour s'occuper depuis mardi. En dehors de s'être tapé une autre fille évidemment. Ma question me fait repenser à mon propre emploi du temps des derniers jours, principalement constitué de la même activité: pleurer. Je n'avais jamais autant pleuré de ma vie. « J’ai surtout nettoyé cette porcherie. Et les cours, les routines. J’ai beaucoup pensé à toi. A nous. » Ah. Voilà un point commun. Je souffle dans un murmure: « Moi aussi j'ai beaucoup pensé à toi. A nous. » C'est le cas de le dire. Et les larmes qui m'ont accompagnée toute la semaine menacent de se déverser de nouveau. Ma gorge se noue. Il faut absolument que je tienne. Je ne peux pas craquer devant lui, hors de question. « Je t’aime. Je ne te le dis pas assez souvent, mais je t’aime. » Au prix d'un gros effort, je parviens à ravaler mes larmes. Je me concentre sur ses paroles pour me calmer. C'est vrai que Cael et moi ne sommes pas les plus démonstratifs du monde avec les mots. Personnellement je préfère le toucher. Je fais passer énormément d'émotions avec ce sens. Comme là, tout de suite, lorsque j'attrape sa main. J'aurais voulu m'en empêcher mais c'est plus fort que moi. J'ai besoin de son contact. « Je t'aime aussi. Plus que tout au monde. Je crois que je ne pourrai jamais cesser de t'aimer, quoi qu'il arrive. » Lorsque je les prononce, je sais que ces mots sont vrais. Malgré tout.

Je n'étais pas moi-même. Elle le voyait peut-être, mais avec un peu de chance non. Je ne voulais pas qu'elle lise sur mon visage ma culpabilité, je ne voulais pas qu'elle lise sur mon visage ma déception. J'étais déçue. Déçue de mon comportement, celui que j'avais eu mardi et peut-être même celui que j'avais maintenant. J'étais brutale, énervée. Je n'étais pas le Cael dont elle était tombée amoureuse. Je n'étais pas le Cael qui méritait d'être avec elle. Pas depuis mardi et je ne savais pas ce que je devais faire pour devenir l'homme qu'elle méritait. Je savais ce que je n'aurais pas dû faire, mais ça s'arrêtait là. « Moi aussi j'ai beaucoup pensé à toi. A nous. » J'étais heureuse de l'entendre, car après tout moi je n'avais fait que ça. Penser à elle, essayer d'imprimer dans mon esprit chaque parcelle de son corps et de sa personnalité, de peur qu'elle ne me quitte et que je ne la revois plus jamais. Plus jamais comme je peux la voir maintenant, belle et audacieuse, aimante et fun. J'ai peur qu'en me voyant elle ne remarque que mon erreur, qu'elle ne voit plus l'amour que je lui porte. J'ai peur qu'elle m'oublie. J'ai peur qu'elle me quitte. Chaque jour, depuis mardi soir. « Je t'aime aussi. Plus que tout au monde. Je crois que je ne pourrai jamais cesser de t'aimer, quoi qu'il arrive. » Je souris. Je crois que c'était un de mes plus grands sourires, et mon premier sourire depuis ce fameux jour. Elle m'aimait. Quoi qu'il arrive, elle m'aimait. Soudainement je me sentais pousser des ailes. Nous pourrions tout vaincre, puisque nous nous aimions. Tout. Même ça. Même Clary. « Vraiment ? » Je m'assieds auprès d'elle sur le lit et l'embrasse tendrement. Je resterais ici toute notre vie, il n'y avait rien d'autre que nous à cet instant. Et c'est tout ce qu'il me fallait. « Indiana... » J'étais prêt à lui dire. Tout lui dire. Elle m'aimait quoi qu'il arrive après tout, non ? « Indiana, mardi j'ai.. » Aucun mot ne sortait de ma bouche. Je ne pourrais pas lui dire. Je n'y arriverais pas. « Rien. J'ai beaucoup pensé à toi c'est tout. »

Si je n'ai pas la maîtrise des mots, je vois toutefois l'impact de ceux que je viens de prononcer. Ils sont tous simples, n'ont rien d'exceptionnel pour un couple normal, ne devraient pas avoir autant d'effet. Et pourtant, ils résonnent comme dans une autre dimension, au-delà de nous deux. Le visage de Cael s'illumine en une fraction de seconde. Il est heureux, et je me rends compte que son bonheur est tout ce qui m'importe. Rien n'est plus important au monde à mes yeux que le sourire qui vient de naître sur son visage. « Vraiment ? » Oui, malgré ce que je sais - ou crois savoir - de toi. J'acquiesce de la tête, la voix ferme. « Vraiment. » Il me rejoint alors sur le lit et ses lèvres viennent se poser avec délicatesse sur les miennes. Sa douceur m'émeut comme au premier jour. Malgré le temps qui passe, je le désire tout autant qu'avant, et même plus. Je m'efforce de ne pas penser à ce qui me déchire les entrailles pour me consacrer uniquement à la sensation merveilleuse qui fait palpiter mon coeur. « Indiana... » Il rompt notre baiser, une expression indéchiffrable sur le visage. « Indiana, mardi j'ai.. » Quoi ? Mardi il a quoi ? Il s'est barré après notre prise de bec et puis il est allé se défouler avec une autre fille ? L'espace d'un instant, j'ai l'impression que c'est qu'il essaye de me dire. Mais là encore, c'est peut-être mon imagination qui me joue des tours. Mon instinct qui se trompe une nouvelle fois. J'essaye de ne rien laisser paraître de mes tourments internes, mais je ne jurerais pas de ma réussite. « Rien. J'ai beaucoup pensé à toi c'est tout. » Ah. Qu'est-ce que j'espérais ? Qu'il allait finalement tout m'avouer ? Peut-être bien. C'est d'ailleurs dans cette optique que je suis venue le voir. C'est pour ça que je ne lui ai pas dit que je sais déjà. Je veux savoir s'il me l'avouera de lui-même, s'il aura assez de courage pour ça, s'il m'aime assez pour révéler la vérité. Comme un test en fait. C'est ça, je le teste. Je suis vraiment une merde. Je ne vaux pas mieux que lui. Jamais je n'aurais pensé être capable d'une telle bassesse. Est-ce que c'est cette tromperie qui m'a transformée ou bien n'a-t-elle fait que mettre en lumière ce côté méprisable de ma personnalité ? En quelques secondes, me voilà replongée dans une spirale de noirceur. « Et qu'est-ce que tu penses de moi, là tout de suite ? » Je ne trouve pas de meilleure alternative à « crache le morceau, viens donc me briser le coeur de manière officielle ».   

« Vraiment. » On pouvait tout vaincre, tout. Tous les deux, ok était assez fort pour se remettre de n'importe quel obstacle, notre amour était assez grand pour cela. Je croyais véritablement tout ça, mais j'avais peur. Peur de tout jouer sur la foi que j'ai en notre couple, peur que le pari soit trop risqué. Il l'était, Indiana avait eu des problèmes avec des hommes avant moi qui ont profité d'elle, de ce qu'elle avait offrir, qui l'avait blessé. Elle était encore fragile à mes yeux, une poupée de porcelaine que je ne pouvais brisée. Qu'importe ce que je ressentais, qu'importe si ça allait alléger ma conscience. C'est elle qui comptait, c'est elle la plus importante, c'est elle qui ne devait pas être blessé. Et j'allais la blessé, avec ce que j'ai fait, lui dire ne lui ferait que du mal. Et je m'en rendais compte, à temps, avant qu'il ne soit trop tard. Avant que je n'ouvre ma bouche et que je ne dise la phrase de trop, la vérité de trop. Croyez-moi, Indiana ne veut pas savoir la vérité. Personne ne veut. J'aurais voulu ne pas là savoir moi-même, pouvoir la nier. Qu'elle ne soit jamais arrivée. Tout ce que je m'autorise à dire c'est qu'elle m'a manqué. Terriblement manqué et que plus jamais je ferais le con comme ça. C'est tout ce que je pouvais promettre... « Et qu'est-ce que tu penses de moi, là tout de suite ? » Je la regarde, et c'est comme au premier jour. Je la vois tel qu'elle est vraiment, splendide. Parfaite. Magnifique. Je me souviens de tout ce qu'on a vécu, de nos (presque) un an ensemble, dans le bonheur le plus complet. Je ne les mérites pas. Je ne la méritais pas. « Que tu es parfaite. Et que tu mérites mieux. » L'expression de mon visage change, je suis triste. Tellement triste. Il n'y a pas d'autre mot pour décrire ce que l'on pouvait lire sur mon visage, j'étais triste et peut-être aussi fatigué. Fatigué de me cacher, fatigué de mentir, mais je m'étais mis dans cette situation tout seul. « Je m'étais promis de ne pas être comme tous les types avec qui tu as été. Je m'étais promis de ne jamais te faire souffrir et en te laissant comme je l'ai fait... Je t'ai fait du mal, Indiana, si je ne t'avais pas laissé ce soir-là... » Je n'aurai pas couché avec Clary ? « Je ne te laisserais plus jamais. Je ne veux plus jamais qu'on se quitte au milieu d'une dispute, qu'on se quitte énerver. Je me suis comporté comme un salopard et je m'en rends compte maintenant. Tu mérites mieux que ça. Tu mérites mieux que moi. »

Mon humeur ne cesse de fluctuer entre deux états bien distincts. Celui qui d’ordinaire m’envahit lorsque nous sommes réunis, celui qui me rappelle à quel point nous sommes faits pour être ensemble. Et puis il y a celui qui s’est invité depuis quelques jours, celui qui illustre le proverbe « De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas. » Suis-je donc condamnée à osciller entre ces deux sentiments ? Chacune de ses paroles, chacun de ses gestes, chacun de ses regards est susceptible de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Alors que celle-ci se trouve du mauvais côté, je l’interroge sur ses sentiments à mon égard. Connaître ses pensées, pour ne pas me laisser absorber par les miennes. « Que tu es parfaite. Et que tu mérites mieux. » Mieux ? Mais comment pourrais-je souhaiter mieux ? Cael et moi nous nous aimons. C’est une évidence. Pour nous, pour tous ceux qui nous connaissent et même pour les inconnus qui nous croisent dans la rue. Je ne me sens jamais aussi bien, aussi heureuse que lorsque je suis avec lui. Je suis loin d’être parfaite mais à deux nous le sommes. Parfaits. Ou du moins, nous l’étions. « Je m'étais promis de ne pas être comme tous les types avec qui tu as été. Je m'étais promis de ne jamais te faire souffrir et en te laissant comme je l'ai fait... Je t'ai fait du mal, Indiana, si je ne t'avais pas laissé ce soir-là... Je ne te laisserais plus jamais. Je ne veux plus jamais qu'on se quitte au milieu d'une dispute, qu'on se quitte énerver. Je me suis comporté comme un salopard et je m'en rends compte maintenant. Tu mérites mieux que ça. Tu mérites mieux que moi. » De toutes les (nombreuses) disputes que l’on a eues, cette dernière est de loin une des plus violentes. Elle m’a blessée, elle m’a faite pleurer, mais tout cela n’est rien en comparaison de ce qui s’est passé ensuite. Il faut que je m’efforce de ne plus y penser. Par amour pour Cael. Parce qu’il vient de me présenter des excuses qui me touchent. Y a-t-il un double sens derrière ? Peut-être. Peut-être pas. Mais dans tous les cas je vais essayer. Oublier. Vivre avec le doute. J’en suis capable. Je l’aime assez pour ça. « Ne dis pas ça. On fait tous des erreurs. Ce qui compte, c’est d’en tirer des leçons pour ne pas les reproduire. On ne se quittera plus fâchés. On ne se quittera plus tout court. Et il n’existe pas de mieux. Même s’il y en avait un, je n’en voudrais pas. C’est toi que je veux, c’est toi que j’aime. » Je l’enlace. Mon corps trouve instinctivement sa place tout contre le sien. Cela me fait du bien. Le sentir contre moi. Entendre les battements de son cœur. Humer son parfum. Goûter la douceur de ses lèvres. Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire si elles me privent de ça. Voilà ce dont je ne pourrais pas vivre sans. Le reste, je peux m’en passer. « J’ai besoin de toi. » Je resserre un peu plus mon étreinte. J’ai besoin qu’il me tienne, me serre fort contre lui. Parce que j’ai peur. Peur que l’accalmie du moment ne soit plus qu’un souvenir dès lors que j’aurai quitté cette chambre. Qu’arrivera-t-il lorsque je serai à nouveau seule, sans sa présence pour me rassurer ? Seule avec les démons de cette fichue nuit qui viendront me hanter ? La balance penchera-t-elle de nouveau du mauvais côté ?

« Ne dis pas ça. On fait tous des erreurs. Ce qui compte, c’est d’en tirer des leçons pour ne pas les reproduire. On ne se quittera plus fâchés. On ne se quittera plus tout court. Et il n’existe pas de mieux. Même s’il y en avait un, je n’en voudrais pas. C’est toi que je veux, c’est toi que j’aime. » C'était peut-être la première fois de ma vie d'adulte que j'avais envie de pleurer et de me rouler en boule. J'étais mal, trop mal. Et c'était la faute de Rey. Elle avait brisé mon couple. J'étais en colère. En colère qu'elle, qu'on, est pu faire ça à Indiana. « J’ai besoin de toi. » Elle ne savait pas au combien j'étais rassuré parce ce qu'elle me disait. C'était comme un poids qui se retirait de mes épaules, comme si j'allais, enfin, pouvoir respirer et m'autorisé à oublier ce qu'il c'était passé. J'avais l'impression d'une certaine façon, d'avoir le pardon pour un crime que je n'avais pas eu à confesser. J'étais heureux. Heureux comme avant cette dispute, ce soir-là. Heureux comme jamais. « J’ai besoin de toi moi aussi. » Ces mots résonnaient dans mon esprit pendant quelques minutes, alors que je l'embrassais et la serrais plus porche de moi. C'est toi que j'aime. C'était elle la femme que j'aimais, celle avec qui je voyais un futur. Parce que je voyais un futur avec elle, un futur dans lequel on serait marié et dans lequel nous aurions des enfants. Je n'ai jamais ressenti ça avec personne d'autre. Moi, des enfants avec quelqu'un ? Toutes les filles qui étaient passé dans mon lit, ou avec qui j'avais pu avoir une relation, n'arrivait même pas à la cheville d'Indiana. J'appréciais toutes les filles avec qui j'étais sorti, j'étais même bizarrement amis avec chacune d'entre elles, mais je n'ai jamais ressenti pour elle ce que je ressentais avec Indiana. Avec elle... J'étais tout simplement heureux. Je ferais tout pour Indiana Haggerty.


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